Niveaux de libération conditionnelle pour l'évacuation, le recyclage et la réutilisation des composants activés d'accélérateurs médicaux
1.0 Contexte
Les composants du blindage de la tête, des lignes de faisceau et du système de collimation des accélérateurs médicaux deviendront activés en raison des processus de photoneutron lors de l’utilisation des accélérateurs. Les isotopes produits et leur activité connexe dépendent à la fois de la conception et de la composition de ces composants ainsi que des faisceaux d’énergie. Le niveau d’activité est généralement faible, et la plupart des isotopes produits sont de courte demi-vie. Par conséquent, cette activation ne représente qu’un risque opérationnel négligeable pour toute activité autre qu’un entretien très invasif des composants des lignes de faisceau. Toutefois, la présence de matières radioactives a une incidence réglementaire sur l’évacuation d’un accélérateur à la fin de sa vie utile.
Les principaux produits d’activation, soit le 62Cu, le 64Cu et le 56Mn, ont tous des demi-vies d’une demi-journée ou moins. Par conséquent, ils se désintégreront jusqu’à correspondre à des niveaux de rayonnement de fond en quelques jours seulement après l’arrêt définitif de l’appareil et ne représentent pas une source de préoccupation sur le plan de l’évacuation. Toutefois, certains radionucléides de longue demi-vie seront également présents. Les plus importants d’entre eux sont le 181W (T½ = 121,2 jours) et le 185W (T½ = 75,1 joursFootnote 1); ni l’un ni l’autre ne présente de produit de filiation. Outre des rayons X de faible énergie (de 6 à 65 keV), la désintégration du 181W ne génère que très peu de photons gamma (0,03 % par désintégration) de 136,3 keV, et celle du 185W, très peu de photons gamma (0,02 % par désintégration) de 125,4 keV (le 185W étant presque un émetteur bêta pur). L’énergie moyenne des particules bêta émises par le 185W s’élève à 126,9 keV.
Il existe trois méthodes d’évacuation possibles pour les composants activés d’accélérateurs médicaux :
- renvoi au fabricant (qui, en général, est également un titulaire de permis de la Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN)
- transfert de l’accélérateur ou de ses composants à une entreprise faisant la réfection d’accélérateurs, mais n’étant pas un titulaire de permis de la CCSN
- se départirde l’accélérateur, y compris des composants activés, par les voies normales d’élimination des déchets, incluant l’élimination dans un site d’enfouissement et -de recyclage des métaux
La première méthode d’évacuation consiste à transférer le matériel d’un titulaire de permis à un autre.
En ce qui a trait aux autres méthodes d’évacuation possibles (transfert des composants aux fins de réfection; évacuation d’élimination et recyclage), les exigences de l’article 5.1 du Règlement sur les substances nucléaires et les appareils à rayonnement doivent être respectées :
Le paragraphe 5.1(1) stipule ceci : « Toute personne peut, sans y être autorisée par un permis, abandonner ou évacuer une substance nucléaire radioactive, si l’activité ou l’activité massique de la substance ne dépasse pas :
- (a) sa quantité d’exemption;
- (b) son niveau de libération conditionnelle;
- (c) son niveau de libération inconditionnelle. »
Les quantités d’exemption (a) et les niveaux de libération inconditionnelle (c) d’un vaste éventail d’isotopes sont énoncés, respectivement, dans l’annexe 1 et 2 du Règlement. Toutefois, pour démontrer que les isotopes et les niveaux d’activité restant dans un accélérateur médical sont inférieurs aux limites réglementaires, il faudrait réaliser une analyse théorique détaillée et très complexe des isotopes produits ou encore prendre des mesures analytiques exhaustives afin de vérifier les niveaux d’activité. Ces types d’analyses représentent des défis technologiques considérables et, en général, ne sont pas justifiées du point de vue du rapport entre les risques, les avantages et les coûts selon le principe ALARA.
Par conséquent, la CCSN a examiné et accepté une méthode axée sur le débit de dose en vue de démontrer que les composants respectent le niveau de libération conditionnelle en vertu de l’alinéa 5.1(1)b), soit :
Un niveau de libération conditionnelle de 0,5 μSv/h, mesuré à 5 cm de toute surface accessible de tout composant d’un accélérateur médical, est acceptable et conforme à la définition d’un niveau de libération conditionnelle tel qu’il est établi dans le Règlement sur les substances nucléaires et les appareils à rayonnement.
Les renseignements suivants illustrent le fondement de ce niveau de libération conditionnelle.
2.0 Niveaux de libération conditionnelle pour les composants d’accélérateurs médicaux
Le Règlement sur les substances nucléaires et les appareils à rayonnement Footnote 2définit un niveau de libération conditionnelle comme suit :
niveau de libération conditionnelle Activité massique qui ne résulte pas en une dose efficace supérieure à l’une ou l’autre des valeurs suivantes :
- soit 1 mSv par année à la suite d’un incident peu probable mentionné dans la Norme de sûreté RSG-1.7 de l’AIEA;
- soit 10 μSv par année.
Voies d’exposition
Afin d’établir les niveaux de libération conditionnelle pour ces types d’isotopes, les voies d’exposition potentielles du public, par exposition externe ou par inhalation, doivent être prises en compte.
Récepteurs | Voies d’exposition |
---|---|
1. Méthode d’évacuation : transfert de composants d’accélérateurs aux fins de réfection | |
1.1 Travailleurs manipulant des composants activés | Exposition externe |
1.2 Travailleurs effectuant la réfection des composants | Exposition externe Inhalation de poussières remises en suspension |
2. Méthode d’évacuation : évacuation des composants activés par les voies normales d’élimination des déchets et le recyclage des métaux | |
2.1 Travailleurs manipulant des composants activés | Exposition externe |
2.2 Travailleurs des sites d’enfouissement | Exposition externe |
2.3 Travailleurs de fonderies ou d’installations de recyclage | Exposition externe Inhalation de poussières remises en suspension |
L’exposition des membres du public à la suite de rejets atmosphériques provenant d’une installation de recyclage n’est pas considérée comme une voie d’exposition crédible. Dans le cadre du recyclage des métaux, le tungstène n’est pas rejeté dans l’air en tant que composé volatil. Il se retrouve principalement dans les produits de métal recyclé ou dans les scories Footnote 3. De plus, les radionucléides du tungstène seraient dilués dans la ferraille non contaminée à l’installation de recyclage des métaux, réduisant encore davantage le risque d’exposition.
Inhalation
Le temps estimé pour qu’un travailleur reçoive une dose de 10 μSv à la suite de l’inhalation de poussières remises en suspension dans le contexte des processus de recyclage des métaux est énoncé au tableau 2. L’estimation est fondée sur l’hypothèse qu’il n’y a pas de dilution dans la ferraille non contaminée à l’installation de recyclage et que seul le tungstène présentant une contamination radiologique (ne contenant que du 181W et du 185W) est manipulé. Les résultats au tableau 2 montrent que la voie d’exposition par inhalation ne constitue pas une préoccupation étant donné que la dose découlant d’une année entière de travail de 2 000 heures serait inférieure à 0,02 μSv.
Radionucléide | Activité à saturation Footnote 4 | Charge de poussières | Concentration atmosphérique | Dose par unité d’incorporationFootnote 5 | Délai d’atteinte de 10 µSv |
---|---|---|---|---|---|
Bq/g | g/m3 | Bq/m3 | Sv/Bq | heures | |
181W | 600 | 5.0 x 10-4 | 0.3 | 4.3 x 10-11 | 6.5 x 105 |
185W | 600 | 5.0 x 10-4 | 0.3 | 2.2 x 10-10 | 1.3 x 105 |
Exposition externe
La dose efficace par l’intermédiaire des voies d’exposition externe est fondée sur l’hypothèse prudente d’une distance de 30 cm de tout composant activé. Le débit de dose à 30 cm d’une source (), lorsque le débit de dose à 5 cm de la même source () est connu, est calculé au moyen de la relation suivante :
Selon cette approche, lorsque
À un débit de dose de 0,014 μSv/h, la dose anticipée dans un contexte de travail à très grande proximité des composants activés d’un seul accélérateur durant une semaine de travail (40 heures) se chiffre donc à 0,56 μSv. En moyenne, environ quinze accélérateurs médicaux sont déclassés chaque année au Canada. Ainsi, même si un seul travailleur devait manipuler ou remettre à niveau les composants activés des quinze accélérateurs, bien que cela soit très improbable, son exposition totale demeurerait inférieure à 10 μSv.
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