Rôle historique du Canada dans le développement des armes nucléaires
28 mai 2012
L’extraction et le traitement de l’uranium ainsi que la recherche sur la production de matières nucléaires à des fins militaires font partie de l’histoire du Canada. Le chapitre le plus connu de cette histoire est sans doute la participation du Canada au Projet Manhattan durant la Seconde Guerre mondiale. Pendant cette période, le pays fournit et raffine de l’uranium qui est utilisé dans les installations des États-Unis. Il continue ensuite à fournir de l’uranium à des fins militaires pendant une vingtaine d’années après la Guerre.
Ce que la plupart des gens ne savent peut-être pas, toutefois, c’est le fait que le Canada a participé à la recherche sur la production et l’extraction du plutonium dans le cadre du Projet Manhattan, qui a pris fin en 1946. De plus, le Canada a vendu du combustible nucléaire irradié (épuisé), dont on extrait du plutonium, aux États-Unis de 1959 à 1964. Tous les transferts de matières nucléaires à des fins non pacifiques sont interrompus l’année suivante.
Une décision prise en temps de guerre
Au milieu de la Seconde Guerre mondiale, plus précisément le 17 août 1942, le Canada décide officiellement de faire son entrée dans l’ère nucléaire. Le gouvernement britannique se cherche alors un partenaire afin d’y déménager, pendant la guerre, son laboratoire nucléaire situé à cette époque à Cambridge et de faciliter la collaboration avec les États-Unis au développement d’armes nucléaires. Aux termes de négociations, le Royaume-Uni et le Canada concluent un accord. C.D. Howe, ministre fédéral de la Reconstruction et des Approvisionnements pendant la guerre, donne le feu vert au Laboratoire de Montréal (ancêtre des Laboratoires de Chalk River) de façon mémorable en déclarant « OK, allons-y ». Le Laboratoire s’associera au Projet Manhattan des États-Unis, dans le cadre duquel sera fabriquée une bombe nucléaire.
Un an plus tard, Winston Churchill et Franklin Delano Roosevelt concluent l’accord de Québec entre le Royaume-Uni et les États-Unis. Cet accord multinational fixe les conditions générales qui définiront plus tard le rôle du Canada dans le Projet Manhattan et les programmes d’armement nucléaire des alliés.
Uranium
L’expansion précoce de l’industrie canadienne de l’uranium est due à l’intérêt de l’industrie militaire dans le développement et la conception d’armes nucléaires. Durant la Seconde Guerre mondiale, une société canadienne, l’Eldorado Gold Mining Company, rouvre une mine de radium fermée depuis peu (la présence de radium est associée de près à la présence d’uranium) afin de fournir à l’armée américaine l’uranium dont elle a besoin pour fabriquer la bombe nucléaire.
Le minerai d’uranium est extrait de la mine située près du Grand lac de l'Ours dans les Territoires du Nord-Ouest, puis expédié à des milliers de kilomètres de là, à l’installation de traitement et de raffinage de la société Eldorado à Port Hope (Ontario). En 1942, le gouvernement fédéral achète et nationalise les biens d’Eldorado liés à l’uranium.
En réponse à la demande extraordinaire d’uranium que provoque le Projet Manhattan, l’installation de Port Hope d’Eldorado raffine du minerai de nombreux pays, dont les États-Unis et ce que l’on appelle maintenant la République démocratique du Congo, pour toute la durée de la Seconde Guerre mondiale.
Plutonium
Durant la Seconde Guerre mondiale, le Canada se joint aux efforts des États‑Unis et du Royaume‑Uni visant à produire une bombe nucléaire. La fission de l’uranium, méthode utilisée pour capter l’énergie contenue dans l’atome, est découverte en 1939. Vers la fin de 1942, le Royaume-Uni et le Canada établissent le Laboratoire de Montréal pour développer des armes nucléaires. Des scientifiques des deux pays ainsi que de la France collaborent à la conception du réacteur ZEEP (pile expérimentale d'énergie zéro).
Situé à Chalk River (Ontario), le ZEEP est un petit réacteur construit dans le but de prouver qu’il est possible de créer et de soutenir la fission nucléaire (aussi appelée la criticité nucléaire) en utilisant de l’uranium naturel et de l’eau lourde. Il est aussi utilisé pour démontrer la possibilité de produire du plutonium – un matériau fissile créé artificiellement qui peut être extrait chimiquement du combustible nucléaire irradié – pour les programmes militaires des alliés. Premier réacteur à atteindre la criticité à l’extérieur des États-Unis (en septembre 1945), le ZEEP sert de base à la conception du réacteur NRX (réacteur national de recherche expérimental).
Production d’eau lourde – Cominco, à Trail (Colombie-Britannique), produit et fournit de l’eau lourde pour le Projet Manhattan principalement aux installations militaires américaines. Elle vend son produit jusqu’en 1956.
Période après la Seconde Guerre mondiale
Après la guerre, les utilisations militaires continuent de stimuler la demande mondiale d’uranium.
De plus, à cette époque, un grand nombre de collectivités canadiennes connaissent une croissance rapide en raison de l’essor de l’industrie minière. Uranium City, située dans le Nord de la Saskatchewan, accueille un certain nombre d’installations minières, dont plusieurs mines et deux usines. Les activités d’extraction d’uranium enregistrent aussi une augmentation dans deux régions de l’Ontario, soit Bancroft et Elliot Lake. La région d’Elliot Lake acquiert d’ailleurs la réputation de « capitale mondiale de l’uranium », avec plus de 12 mines de concentration d’uranium et plusieurs usines situées à proximité, exploitées par Denison Mines et Rio Algom.
En 1959, la demande d’uranium de l’armée américaine diminue. En 1965, le Canada cesse officiellement d’exporter de l’uranium pour la production d’armes, ce qui entraîne malheureusement l’abandon de certaines mines d’uranium et le délabrement des sites qui ne sont pas nettoyés selon les normes actuelles. La Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN) travaille d’arrache pied pour assainir ces anciens sites et ainsi limiter les incidences sur l’environnement.
À la fin du Projet Manhattan en 1946, les Laboratoires de Chalk River consacrent leurs efforts aux applications médicales et industrielles de la technologie nucléaire. Un laboratoire d’extraction du plutonium à partir de barres de combustible irradié du NRX est créé, puis exploité jusqu’en 1954.
Entre 1959 et 1964, environ 252 kg de plutonium contenu dans du combustible nucléaire irradié est exporté aux États-Unis. Le métal est transféré des Laboratoires de Chalk River au site de Savannah River en Caroline du Sud, où il est traité, puis mélangé aux stocks restants du programme américain d’armes nucléaires.
Rôle du Canada dans la non-prolifération des armes nucléaires
En 1965, le gouvernement canadien prend la décision de n’exporter de l’uranium et d’autres matières nucléaires qu’à des fins pacifiques. Le Canada est le premier pays doté d’une capacité nucléaire importante à rejeter les armes nucléaires. Depuis, il se dévoue à la promotion de l’utilisation pacifique de l’énergie nucléaire sur la scène internationale. En 1970, le Canada renforce cette politique en signant le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP).
Le mandat de non-prolifération de la CCSN
La CCSN est responsable de l’exécution des engagements internationaux du Canada concernant la non-prolifération des armes nucléaires depuis l’entrée en vigueur de la Loi sur le contrôle de l'énergie atomique en 1946. La CCSN collabore avec Affaires étrangères, Commerce et dévelopement Canada à la mise en œuvre des principaux volets de la politique internationale du Canada en matière de non-prolifération, dont l'utilisation pacifique de l'énergie nucléaire ainsi que les obligations de garanties et de sécurité.
Renseignements supplémentaires
- Capsule chronologique de l'historique nucléaire
- Non-prolifération nucléaire
- Garanties
- Rôle du Canada dans le drame de la bombe atomique : communiqué de presse du ministère de la Reconstruction du Canada, 13 août 1945, (en anglais seulement) Partie 1, Description (PDF); Partie 2, Participants (PDF); Partie 3, Biographies (PDF)
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