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INWORKS : mortalité par cancer après exposition à de faibles doses de rayonnements ionisants chez les travailleurs

Une récente étude épidémiologique publiée dans le British Medical Journal, intitulée « Cancer mortality after low dose exposure to ionising radiation in workers in France, the United Kingdom, and the United States (INWORKS) : cohort study », a évalué les effets d'une exposition à long terme à une faible dose de rayonnements ionisants sur la mortalité par cancer. Cette étude de Richardson et coll. (2023) est une mise à jour de travaux antérieurs, discutés ci-dessous.

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Historique des études INWORKS

L'étude INternational WORKers Study (INWORKS) est une étude internationale qui combine des cohortes de travailleurs du nucléaire en France, au Royaume-Uni et aux États-Unis. INWORKS est l'une des études de mortalité les plus importantes et les plus solides sur le plan statistique. L'étude porte sur 309 932 travailleurs, dont 40 445 femmes (~13 %). Une description détaillée des cohortes INWORKS est disponible dans Hamra et coll. (2016).

Les études INWORKS sont issues d'une étude antérieure menée dans 15 pays, dont le Canada, sur la mortalité des travailleurs du secteur de l'énergie nucléaire (Cardis et coll., 2007). Dans le cadre de cette étude, les cohortes de France, du Royaume-Uni et des États-Unis ont été sélectionnées pour la série d'études INWORKS ultérieures parce qu'elles étaient les plus informatives : leurs données avaient été récemment mises à jour, elles fournissaient plus de la moitié des années-personnesNote de bas de page 1 de suivi et elles comprenaient la plupart des décès dus au cancer et à la leucémie.

Ces études INWORKS ont examiné la relation entre l'exposition aux rayonnements ionisants et le risque de décès par cause spécifique :

Dans l'ensemble, ces études ont mis en évidence des associations positives entre l'exposition chronique à de faibles doses de rayonnements et le risque de décès par leucémie, tous les cancers solides confondus, de nombreux cancers solides spécifiques au site (les plus courants étant le poumon, la prostate et le côlon) et des causes non cancéreuses (principalement des maladies du système circulatoire). Le risque de décès augmente avec la dose cumulée pour tous les cancers solides confondus.

Résumé de l'étude INWORKS de 2023

L'étude INWORKS de 2023 (Richardson et coll., 2023) est une mise à jour de l'étude 2015 (Richardson et coll., 2015); les deux études ont examiné l'association entre l'exposition chronique à de faibles doses de rayonnements ionisants et le décès par cancer solide (c'est-à-dire tous les cancers solides confondus, mais pas les cancers qui se développent dans le sang, la moelle osseuse ou les ganglions lymphatiques). Selon l'étude INWORKS de 2023, le risque de mortalité par cancer solide causé par le rayonnement et résultant d'une exposition chronique à de faibles doses de rayonnement pourrait être légèrement plus élevé que ce qui avait été rapporté précédemment. L'étude confirme l'existence d'une association linéaire entre l'exposition externe prolongée à de faibles doses de rayonnements ionisants et la mortalité par cancer solide.

Limites de l'étude INWORKS de 2023

Les auteurs reconnaissent que, comme c’est le cas de toutes les études, l'étude INWORKS de 2023 présente des limites. Par exemple, seules les expositions externes ont été prises en compte; les doses provenant d'expositions internes, comme l'inhalation et l'ingestion, ont été exclues. Par conséquent, le risque peut être surestimé. Cette étude a utilisé la dose effective (corps entier et dose estimée dans le côlon) plutôt que la dose absorbée dans l'organe, ce qui aurait fourni des estimations plus précises du risque. Les données individuelles sur les facteurs de risque sont également insuffisantes. Par exemple, le tabagisme pourrait moduler le lien entre le rayonnement et le cancer; par conséquent, des méthodes indirectes ont été utilisées pour évaluer la confusion apportée par le tabagisme. Malgré ses limites, l'étude intègre l'une des méthodes les plus robustes dans le domaine de l'épidémiologie des rayonnements avec des cohortes de travailleurs et fournit des estimations de risque raisonnables.

Les résultats d'INWORKS (2015, 2023) sont comparables à ceux de l'étude sur la durée de vie.

La connaissance générale du risque induit par les rayonnements a d'abord été établie par l'étude de longue durée sur la durée de vie (DDV) des survivants de la bombe atomique, qui font l’objet d’études depuis 1958. Les survivants de la bombe atomique ont reçu une seule exposition aiguë (à court terme) au corps entier à des niveaux relativement élevés de rayonnements ionisants. Les doses dans l'étude DDV diffèrent des expositions chroniques (à long terme) à faible dose auxquelles sont soumis les travailleurs du secteur de l'énergie nucléaire.

Les études INWORKS nous permettent de mieux comprendre les risques liés aux rayonnements et sont plus comparables aux travailleurs d'aujourd'hui que les études DDV, étant donné les expositions chroniques à de faibles doses, la mesure réelle de la dose individuelle (plutôt qu'une estimation) et le suivi détaillé des travailleurs.

La relation entre les rayonnements ionisants et la mortalité par cancer solide dans l'étude INWORKS de 2023 est légèrement plus élevée que les résultats de l'étude DDV, bien que comparable à ceux-ci (Richardson et coll., 2023; Ozasa et coll., 2012; Brenner et coll., 2022). Les résultats sont statistiquement comparables, car les intervalles de confiance se chevauchent (voir tableau 1). Par rapport à l'analyse précédente sur la mortalité par cancer solide (Richardson et coll., 2015), l'étude INWORKS de 2023 comprend davantage de données, avec un suivi prolongé sur 10 ans, ce qui permet d'obtenir des estimations de risque plus précises (c'est-à-dire un écart plus étroit entre les limites inférieures et supérieures des intervalles de confiance). Par rapport à l'analyse de la DDV sur la mortalité par cancer solide, qui comporte 3,1 millions d'années-personnes de données de suivi, l'étude INWORKS de 2023 comporte 10,7 millions d'années-personnes de données de suivi.

Tableau 1. Comparaison des résultats des études INWORKS et DDV sur la mortalité par cancer solide
Étude Excès de risques relatif1 par Gy
(intervalle de confiance en %)*
INWORKS (Richardson et coll., 2015) 0,47 (IC de 90 % : 0,18, 0,79)
INWORKS (Richardson et coll., 2023) 0,52 (IC de 90 % : 0,27, 0,77)
Étude sur la durée de vie (Ozasa et coll., 2012) 0,37 (IC de 90 % : 0,17, 0,60)
Étude sur la durée de vie (Brenner et coll., 2022) 0,44 (IC de 95 % : 0,35, 0,54)

1Le taux de maladie dans une population exposée divisé par le taux de maladie dans une population non exposée, moins 1, exprimé comme l'excès de risque relatif (ERR) par unité de dose (par exemple, par gray ou par sievert). Un ERR de 0,47 par Gy (équivalent à 1 Sv ou 1 000 mSv) signifie que la probabilité qu'un individu meure d'un cancer causé par le rayonnement est 1,47 fois plus élevée pour un individu exposé à 1 Gy que pour un individu non exposé.

*Un intervalle de confiance (IC) de 90 % indique la fréquence (c'est-à-dire 90 fois sur 100) à laquelle les résultats estimés se situent entre les limites supérieure et inférieure, tandis qu'un intervalle de confiance de 95 % implique une certitude supérieure de 5 %.

Les études épidémiologiques éclairent la radioprotection nationale

Les études épidémiologiques comme les études INWORKS, qui examinent la santé des travailleurs tout au long de leur carrière, nous permettent de mieux connaître les risques associés à l'exposition à de faibles doses de rayonnements. La plupart des études épidémiologiques montrent une relation linéaire entre la dose de rayonnement et le risque de cancer, ce qui donne une idée de la forme de la courbe dose-effet.

Le modèle linéaire sans seuil (LSS) est la courbe dose-effet utilisée à l’échelle internationale par la plupart des organismes de santé et de réglementation nucléaire, y compris la CCSN, pour fixer les limites de dose pour les travailleurs et les membres du public. Il s'agit d'une approche prudente qui tient compte des incertitudes liées à la manière dont l'exposition à de faibles doses de rayonnement peut affecter la santé. En outre, les doses moyennes actuelles reçues par les travailleurs du secteur nucléaire canadien sont bien inférieures aux limites de dose, car les titulaires de permis doivent maintenir les doses reçues par les travailleurs au niveau le plus bas qu'il soit raisonnablement possible d'atteindre (ALARA), en tenant compte des facteurs sociaux et économiques. Les limites de dose réglementaires sont en place pour réduire le risque de cancer, qui est un effet stochastique (c'est-à-dire un effet sur la santé qui se produit avec une probabilité proportionnelle à l'ampleur de la dose).

Les études INWORKS contribueront à l'élaboration du cadre international de radioprotection

Les résultats de l'étude INWORKS de 2023 alimenteront les discussions sur la radioprotection au sein de la communauté internationale (par exemple, la Commission internationale de protection radiologique ou CIPR) sur l'évaluation des risques dans des contextes de faibles doses et de faibles débits de dose.

La CIPR prévoit de publier la prochaine série de recommandations générales, qui comprendra des limites de dose, au début des années 2030. La CIPR prendra en compte toutes les études pertinentes publiées dans la documentation, y compris l'étude INWORKS de 2023, lorsqu'elle rédigera son prochain ensemble de recommandations.

Conclusion

Aucune mesure immédiate n'est nécessaire en réponse à l'étude INWORKS de 2023. Les résultats de l'étude continuent de soutenir l'utilisation du modèle LSS comme outil approprié pour établir des limites de dose de rayonnement conformes au cadre international de radioprotection et au cadre réglementaire solide de la CCSN pour assurer la santé et la sécurité des personnes et la protection de l'environnement. Les résultats de l'étude INWORKS de 2023, combinés à d'autres études sur les travailleurs du nucléaire et d'autres populations exposées aux rayonnements, comme les patients et les membres du public, ajoutent au poids des preuves de notre connaissance des effets sur la santé des faibles doses de rayonnement.

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