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Allocution de Rumina Velshi, présidente, à la conférence 2020 de l'Association nucléaire canadienne

Le 27 février 2019
Ottawa (Ontario)

– Le texte prononcé fait foi –

Bonjour à tous. Je suis très heureuse d’être parmi vous aujourd’hui.

On voit derrière moi une photo de moi et de mes homologues du Royaume-Uni et des États-Unis à l’occasion de la conférence de l’ANC en 2019, alors que nous avons discuté des nouveautés dans le secteur nucléaire et du rôle des organismes de réglementation. Nous nous sommes beaucoup amusés et je crois que les participants ont également bien profité de la séance. On nous a demandé de donner une autre présentation du genre à la conférence mondiale de l’organisation Le nucléaire au féminin, qui se tiendra à Niagara Falls du 4 au 8 octobre 2020. J’espère vous y voir en grand nombre.

Cette année, je suis très heureuse de me joindre à Mark et à Tom à l’occasion de cette discussion, que j’espère dynamique et informative. Bien que les mandats de l’Association mondiale des exploitants de centrales nucléaires et des organismes de réglementation nucléaire soient différents, nous partageons une mission essentielle : mettre nos compétences et notre dévouement au service de la sécurité du public.

Aujourd’hui, mon allocution portera sur deux aspects. D’abord, je mettrai l’accent sur ce que fait la CCSN pour favoriser l’harmonisation internationale des exigences réglementaires relatives aux réacteurs avancés et aux petits réacteurs modulaires. Ensuite, j’exprimerai mon opinion sur l’importance d’établir et de maintenir la confiance du public dans le contexte actuel des défis émergents et des nouvelles possibilités.

Alors que nous naviguerons ces perspectives prometteuses, il nous faudra donner le meilleur de nous‑mêmes, et rapidement, car l’aventure des petits réacteurs modulaires est déjà entamée, ici‑même au Canada. La publication en 2018 de la Feuille de route des petits réacteurs modulaires canadiens, la collaboration entre le Nouveau‑Brunswick, l’Ontario et la Saskatchewan en vue d’élaborer une stratégie de déploiement, et l’évaluation environnementale actuellement réalisée par la CCSN d’un microréacteur de 15 mégawatts thermiques sur le site des Laboratoires de Chalk River sont tous des signes annonciateurs d’un avenir potentiellement bouleversant, et peut-être même transformant.

Toutefois, un monde en évolution demande de nouvelles perspectives et réponses. La sûreté est notre priorité absolue. C’est notre pierre de touche. Mais nous devons également nous doter d’une stratégie de réglementation qui favorise la collaboration et l’harmonisation, un aspect que j’ai défendu ardemment au cours des six derniers mois.

En août dernier, nous avons atteint un important jalon, alors que je signais un protocole d’entente conclu avec la présidente de la Nuclear Regulatory Commission des États‑Unis. Cette entente orientera notre travail à l’égard des réacteurs avancés et des petits réacteurs modulaires. En fait, ensemble, nous accomplissons déjà des progrès. Nous avons convenu de mettre en commun les constatations réglementaires tirées de nos examens techniques des conceptions, en commençant par celles de NuScale et de Terrestrial Energy.

Nous envisageons également d’élaborer une orientation commune concernant l’examen de demandes de permis pour de nouvelles constructions. Et notre collaboration ne s’arrête pas seulement aux États‑Unis. Nous travaillons également avec l’organisme de réglementation nucléaire du Royaume‑Uni à l’égard des petits réacteurs modulaires et des réacteurs avancés. Et de la même manière, nous espérons conclure bientôt avec lui une entente semblable.

La mise en commun de nos analyses, de nos essais, de nos modélisations et de nos études va de soi. D’autres peuvent apprendre de nos efforts, et nous pouvons aussi mettre les efforts d’autrui à profit. Nous pouvons gagner du temps. Nous pouvons éviter les dédoublements inutiles. Ce faisant, nous pouvons favoriser à la fois l’innovation et une réglementation moderne. Et tout ça, sans compromettre notre priorité absolue : la sûreté.

Nous voulons tous bien faire les choses. Et c’est en collaborant que nous y parviendrons. J’ai bon espoir que de telles initiatives concertées permettront de démontrer aux autres organismes de réglementation nucléaire les avantages d’une collaboration étroite, et peut‑être même de jeter les bases de l’harmonisation des exigences réglementaires, comme l’a fait l’aviation civile avant nous.

En fait, la communauté de la réglementation nucléaire présente déjà une certaine harmonisation en ce qui a trait à la réglementation et à l’autorisation du transport des substances nucléaires ainsi qu’à l’homologation des colis de transport. Compte tenu de cet objectif, je me réjouis de l’annonce du directeur général, Monsieur Magwood, selon laquelle l’Agence pour l’énergie nucléaire a accepté d’examiner différents modèles de coopération accrue à l’égard de la réglementation des petits réacteurs modulaires.

Et je sais que l’Association nucléaire mondiale et le Groupe des propriétaires de CANDU mettent actuellement la touche finale à un livre blanc sur la faisabilité de créer un environnement mondial de réglementation nucléaire où des conceptions de réacteur normalisées et acceptées dans le monde entier peuvent être déployées à grande échelle, sans qu’il soit nécessaire d’apporter d’importantes modifications à ces conceptions d’un pays à l’autre.  J’ai très hâte de consulter ce livre blanc.

Je tiens à être très claire : la souveraineté sur le plan de la réglementation est essentielle. Nous sommes en tout temps tenus de rendre des comptes aux Canadiennes et aux Canadiens ainsi qu’à leurs dirigeants. Par contre, j’estime aussi qu’il est dans notre intérêt, et dans l’intérêt des Canadiennes et des Canadiens, que les organismes de réglementation nucléaire du monde entier harmonisent davantage leurs exigences.

Si nous y parvenons, nous aurons établi un fondement pour faciliter le cheminement des pays qui entament leur périple nucléaire : une feuille de route qu’ils pourront suivre au fil de l’élaboration de leur propre système de réglementation axé sur la sûreté. Nous aurons beaucoup à faire, dans cette vision d’avenir, et les attentes seront considérables.

Pour que les organismes de réglementation puissent faire progresser cette harmonisation, l’industrie devra sérieusement réfléchir au nombre de conceptions technologiques qui sont durables, puis s’efforcer d’établir un ensemble commun de normes et de codes. Cela signifie qu’il faut démontrer que nous, les organismes de réglementation, ne faisons pas obstacle à l’innovation et aux percées, que notre rôle en tant qu’organisation à vocation scientifique est de protéger le public des risques, et non du progrès.

À mon avis, le temps est venu de foncer, d’examiner d’un œil critique les cadres de réglementation et de s’autoriser à les repenser. Il serait temps de révolutionner le milieu de la réglementation. Les petits réacteurs modulaires seront des projets inédits. Le public exigera, avec raison, que leur sûreté soit démontrée. Tout faux pas de la part de l’industrie ou de notre part, en tant qu’organisme de réglementation, entraînera probablement l’érosion rapide de l’appui du public.

Ce qui m’amène à mon deuxième sujet : établir et maintenir la confiance du public à l’égard de l’organisme de réglementation. Plus que toute autre, l’industrie nucléaire repose sur l’établissement et le maintien de relations de confiance avec les Canadiennes et les Canadiens, y compris avec les communautés autochtones.

Les gens doivent avoir confiance en la sûreté de l’exploitation des centrales nucléaires, et en leur propre protection en cas d’événement imprévu. Parlons donc de la fausse alerte survenue récemment à Pickering, parce qu’elle présente une leçon cruciale. Il faut des années pour établir un lien de confiance. Mais il suffit d’une fraction de seconde pour perdre cette confiance.

Dans le domaine de l’énergie nucléaire, l’erreur n’a pas sa place, que ce soit sur le plan de la conception, de la sûreté ou de la communication avec le public. Les délais de réponse à cette alerte ont été beaucoup trop lents de la part de tous, même de notre part. La confiance du public s’en est trouvée clairement et manifestement diminuée, avec raison. Ensemble, nous devons maintenant : comprendre ce qui a mal fonctionné; tirer les leçons qui s’imposent; apporter les changements nécessaires pour s’assurer que la situation ne se reproduise plus jamais.

Nous procédons, à la CCSN, à un examen rigoureux. Tout comme la province. Il est impératif que chacun d’entre nous tire des leçons de cet incident, et nous devons expliquer au public les améliorations qui en découleront. Tandis que nous parlons de confiance, je souhaite partager avec vous certains résultats d’un sondage d’opinion publique que nous avons récemment demandé à Nanos Research de réaliser.

Je dois avouer que c’est avec beaucoup d’appréhension que nous avons demandé la recherche, puisqu’il s’agissait d’une première pour la CCSN, et particulièrement parce que les données ont été recueillies à peine deux semaines après la fausse alerte survenue à Pickering.

Cette recherche comporte deux volets importants :

  • des entrevues avec des parties intéressées clés
  • un sondage auprès de plus de 1 000 Canadiennes et Canadiens

Je vais mettre l’accent sur les constatations générales. Le premier point que j’aimerais soulever est l’uniformité des réponses dans l’ensemble du pays, bien que quelques provinces seulement comptent de grandes installations nucléaires. En outre, peu importe les parties intéressées qui ont été interviewées – maires de collectivités hôtes, chefs de groupes autochtones, membres d’organisations de la société civile et leaders de l’industrie – toutes ont dit qu’elles avaient une confiance élevée envers le professionnalisme de la CCSN et notre capacité d’exécuter notre mandat de sûreté nucléaire. Nous avons obtenu des notes dépassant 8 sur 10. C’est très rassurant.

Comme vous pouvez le voir derrière moi, la connaissance de la CCSN en tant qu’organisme de réglementation nucléaire du Canada est plutôt moyenne, ce qui n’est pas surprenant en soi. Environ le quart des Canadiennes et des Canadiens qui nous connaissent ont une opinion entièrement favorable, et seulement environ 5 % d’entre eux ont une opinion entièrement défavorable.

Au milieu, on trouve 50 % de répondants neutres, qui pourraient être ouverts à en apprendre davantage et à tirer leurs propres conclusions sur notre efficacité, notre indépendance et notre fiabilité en tant qu’organisme de réglementation. Ensuite, on observe des messages contradictoires concernant la confiance globale en la réglementation nucléaire et l’indépendance de l’organisme de réglementation par rapport à l’industrie.

Il est encourageant de constater que 83 % du public estime que le gouvernement est en mesure d’assurer la réglementation en toute sûreté d’un secteur dont le nom demeure, pour beaucoup, lourd de sens : le « nucléaire ». J’ai bon espoir que, si nous communiquons avec le public et les collectivités d’une manière qui les interpelle, nous pouvons établir et renforcer la confiance à l’égard de la surveillance du secteur nucléaire.

Parallèlement, 62 % des répondants sont confiants que nous pouvons maintenir l’indépendance par rapport à l’industrie. D’après ce résultat, nous devons travailler plus fort pour informer les Canadiennes et les Canadiens, ou pour leur rappeler ou leur démontrer notre indépendance. Il faut leur montrer clairement que toutes nos interactions avec l’industrie visent à assurer la sûreté.

Enfin, nous observons que plus de 80 % des Canadiennes et des Canadiens souhaitent prendre part au processus décisionnel relatif au nucléaire dans leurs collectivités. En effet, 40 % d’entre eux souhaitent une participation considérable. Par comparaison, seulement 20 % des répondants ont entièrement confiance en nos efforts de consultation des collectivités.

Que devons-nous tirer de ces données? Premièrement, le message est clair : nous devons en faire davantage pour établir et renforcer nos relations. Au cours de mon mandat de présidente, j’ai déjà eu l’occasion de tisser des liens plus solides avec les communautés autochtones, les organisations environnementales non gouvernementales, l’industrie et d’autres parties intéressées.

Dans l’avenir, le renforcement de ces relations constituera une de mes priorités absolues. Deuxièmement, nous devons redoubler d’efforts pour devenir la référence du public pour tout ce qui concerne le nucléaire.
Nous organisons déjà des rencontres dans les collectivités et des webinaires. Nous veillons à ce que nos délibérations soient ouvertes et transparentes.

Par l’intermédiaire du Programme de financement des participants, nous offrons un soutien financier afin de favoriser la participation à nos processus de réglementation et d’autorisation. Mais, ce n’est évidemment pas assez. Nous devons en faire plus. Et nous sommes déterminés à faire plus. Enfin, nous devons envisager de modifier le moment où nous consultons le public, les groupes autochtones et les autres parties intéressées, ainsi que la manière dont nous le faisons.

Nous envisageons des réformes considérables des processus et des délibérations de la Commission afin de rendre leur participation encore plus facile et utile. Dans l’ensemble, je suis encouragée par les résultats du sondage. Ils nous aideront à orienter nos efforts et à surveiller notre progression.

Notre organisation est axée sur l’amélioration continue. Notre engagement à l’égard de la sûreté est inébranlable. Et nous sommes déterminés à trouver des façons utiles — concrètement utiles — de renforcer la confiance à l’égard de l’organisme de réglementation au cours des prochaines années.

Pour terminer, je travaille dans le secteur nucléaire depuis plus de trente ans. Je suis fière du passé de ce secteur. Mais surtout, je suis enthousiasmée par son avenir, par les possibilités qui s’offrent à nous, et par tout ce qu’il nous reste à accomplir.

Nous sommes arrivés à une croisée des chemins dans l’évolution de notre secteur. Nous devons travailler d’arrache-pied pour poursuivre notre périple intelligemment et en toute sûreté, surtout sur le plan de la collaboration, de l’harmonisation et de la confiance.

À la CCSN, nous prenons les devants. J’espère que vous vous joindrez à nous.

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